La réalité virtuelle séduit l’immobilier

Les visites virtuelles ne sont résolument plus des gadgets. Le secteur immobilier, en particulier, a trouvé en elles des alliées de choix pour intéresser la clientèle à ses objets. Même si son usage se heurte encore à quelques obstacles, d’ordre financier notamment, cette technologie a un potentiel de développement considérable.

Journaliste : Miroslaw Halaba

Les jeux vidéos ont montré le chemin. Leur caractère ludique, leurs couleurs, leurs effets spéciaux et, surtout, l’impression plus ou moins forte que le joueur ressent de se trouver dans la scène qu’il visionne expliquent le succès grandissant des technologies virtuelles. L’usage des casques a décuplé cet effet, faisant d’un rêve une quasi-réalité. Ce sont, avant tout, les internautes intéressés aux biens immobiliers qui constatent l’engouement des visites virtuelles. La plupart des agences de ce secteur leur proposent en effet de se balader dans l’espace de leurs rêves. Ces présentations, de qualités diverses, sont disponibles aussi bien sur les ordinateurs, sur les tablettes que sur les portables. Les visiteurs du dernier Salon de l’immobilier neuchâtelois (SINE) – septième édition, terminé fin avril à Neuchâtel sur le nombre record de douze mille visiteurs – ont pu faire un pas de plus dans l’expérience de la virtualité en s’arrêtant aux emplacements occupés par la société Kaïnoo. Cette petite entreprise neuchâteloise, occupant huit personnes et domiciliée à Savagnier,dans le Val-de-Ruz, leur proposait de tester deux visites virtuelles interactives 3D de pointe qu’elle a adapté au secteur immobilier.

DÉPLACER VIRTUELLEMENT DES OBJETS

Dans le premier cas, le visiteur, muni d’un casque de réalité virtuelle pouvait se déplacer et interagir en compagnie d’une autre personne dans un appartement relevé en mode 3D. Grâce à internet, cette immersion peut se faire n’importe où et n’importe quand. «Avec cette méthode, nous pouvons aussi, comme nous l’avons fait pour le fabricant de composants Liebherr Machines à Bulle, démonter virtuellement un moteur pièce par pièce à des fins pédagogiques», explique Joël Rollier, fondateur de la société. Le second produit, une application 3D connue sous le nom de HTC Vive, donnait cette fois au visiteur la possibilité de déplacer des objets ou d’en changer la couleur. Idéal pour aménager un espace d’habitation. Le résultat de ces reconstitutions est probant. «Des comparaisons ont montré que les perceptions que procure cette réalité virtuelle correspond relativement bien à ce que le visiteur peut découvrir en vrai», note de son côté Joël Rollier. D’autres ont aussi fait de bonnes expériences. «Une fois dans la réalité, le client reconnaît le lieu qu’il a vu virtuellement», commente par exemple Olivier Gisiger, responsable de la société 3D-VR, à Etoy, spécialisée dans les visites virtuelles 3D.

ENCORE DES RÉTICENCES

Joël Rollier pense que l’on peut faire encore mieux. «Nous sommes encore bridés par la technique.» Cette dernière n’est toutefois pas le seul facteur qui freine l’usage des visites virtuelles, qu’elles soient interactives en 3D, comme chez Kaïnoo, en vidéos ou en images fixes comme on peut le voir chez les agences immobilières. Olivier Gisiger pointe du doigt les investissements relativement élevés que nécessitent la modélisation 3D traditionnelle. «C’est un problème, notamment pour un secteur immobilier en crise», dit-il. Omar Kadi, cogérant de Mood, à Genève, fait les mêmes constatations. «Avec nos produits, nous essayons de ne pas tomber dans le piège des grands projets difficiles à gérer ou dans celui des petits qui se révèlent trop chers.» Joël Rollier estime le prix d’une visualisation interactive 3D à 0,5% du prix de l’objet immobilier représenté. Olivier Gisiger voit encore un autre problème. «En Suisse, certains propriétaires ne souhaitent pas que l’on puisse voir virtuellement le bien qu’ils proposent à la vente.»

DIVERS DOMAINES D’APPLICATION

Les chances de développement des visites virtuelles n’en restent pas moins intactes. Les spécialistes y croient. «C’est un avantage pour le client», estime Olivier Gisiger. Pour Steve Cherpillod, architecte chez Ferrari Architectes à Lausanne, «c’est clairement un plus». Omar Kadi va dans le même sens. «Il y a un bon potentiel de développement», analyse-t-il, songeant aux nombreux domaines d’application: bureaux, écoles, hôpitaux, espaces publics. On peut citer dans la foulée le secteur des voyages, l’événementiel, les musées. Joël Rollier entend surfer sur cette vague. «Nous travaillons principalement le parc immobilier suisse, et celui-ci très grand.» Avec son équipe d’informaticiens, de modeleurs et de graphistes 3D, il envisage de pénétrer cette année le marché alémanique. Il a de bons atouts pour progresser dans son domaine de prédilection. «Comme il n’y a pas ou peu de formations en Suisse dans les technologies immersives 3D que nous utilisons, nous formons nos propres spécialistes. Le virtuel interactif 3D deviendra un outil de travail de plus en plus répandu. On parle d’internet des objets; je pense que l’on s’achemine vers un internet des objets 3D

JOËL ROLLIER, fondateur de la société Kaïnoo, s’est lancé dans les visites interactives 3D.